Parler de ses règles en public, d’accord, mais si on allait encore plus loin en diffusant nos cycles sur internet ? Sur Twitter ou en vidéo, vous avez le choix.
(Source : John Anna)
Jusqu’où peut-on (doit-on ?) aller pour briser le tabou des règles ? Faut-il commencer à documenter publiquement nos cycles pour informer, briser le silence et décomplexer les foules ? C’est en tout cas le choix que font certaines personnes depuis quelques temps, à travers divers réseaux sociaux.
Tes règles en 140 caractères
Par exemple, je vous en parlais dans la première édition de la Gazette des Menstrues : le mouvement de livetweet des règles a été lancé en décembre 2014 aux États-Unis par Tracy Clayton, une employée de Buzzfeed.
let’s start a movement!! RT @KimBethke: I want more people to #livetweetyourperiod h/t @brokeymcpoverty
— Tracy LaFway Clayton (@brokeymcpoverty) 5 Décembre 2014
Quelques personnes ont suivi le mouvement, mais c’est au mois de juin qu’il a refait surface grâce à l’intervention d’une journaliste du New York Times qui en a fait une chronique.
Catch me in Sunday’s paper like hey whattup pic.twitter.com/ack6bqR1p9
— Jenna //\\ Wortham (@jennydeluxe) 21 Juin 2015
La mayonnaise a pris (haha) (non mais rapport à la légende qui dit qu’une femme peut pas faire de mayonnaise quand on a ses règles) et Twitter s’est emballé, exposant son cycle, racontant ses crampes et son calvaire en 140 caractères.
#LiveTweetYourPeriod Anyone got a rusty trowel I could borrow to get rid of this uterus?
— Panny (@Pannypannypan) 22 Juin 2015
« Quelqu’un aurait une truelle rouillée que je pourrais emprunter pour me débarrasser de cet utérus ? »
Tes règles en vidéo
Et en France, Cluny Braun s’est lancée dans une nouvelle aventure en faisant ses premiers pas en tant que vlogueuse. Chaque jour, pour le mois à venir, elle postera une vidéo dans laquelle elle nous tiendra au courant de la santé de son vagin, de son utérus, et de ses règles (si elles arrivent à temps – vu qu’elle vient d’arrêter la pilule, elle ne sait pas trop quand ni comment elles vont se décider à repointer leur gueule). Elle s’est même acheté un stock de spéculums pour observer son col de l’utérus et partir à la découverte d’un organe qu’on regarde finalement assez peu – sauf quand il s’agit de niquer ou d’expulser un jambonneau de trois kilos sur un lit de maternité.
Le premier épisode du journal de sa chatte a donc été posté le 1er juillet, pour poser les bases et expliquer son projet.
J’ai donc profité de l’occasion pour lui poser quelques questions, parce qu’elle en parlera toujours mieux que moi.
Comment présenterais-tu ton projet aux non-initiés ? Et comment t’es venue l’idée ?
Il s’agit de tenir un journal de mon cycle menstruel au travers de courtes vidéos quotidiennes. Souvent quand on parle de cycle menstruel, on pense surtout aux règles mais je voudrais aussi parler de tout ce qui se passe avant et après et de la façon dont on peut le percevoir (ou pas).
Il y a deux projets qui m’ont beaucoup marqué par rapport aux menstruations et au cycle menstruel ces dernières années. D’abord une série de photos d’Emma Arvida Bystrom et puis le projet beautifulcervix qui montre les cols de l’utérus de plusieurs femmes au cours d’un cycle. J’ai été complètement fascinée. Depuis, le rapport qu’on a avec ce flux, les représentations qu’on en fait, la façon dont on en parle m’intéresse beaucoup.
Et puis la semaine dernière je suis allée voir des court-métrages dans un festival et certains étaient tellement mauvais que ça m’a décomplexée. J’ai commandé 100 spéculums en plastique, j’ai jeté ma plaquette de pilule et j’ai décidé de commencer le Journal de ma chatte.
Quelle est ta démarche, exactement ? Qu’espères-tu accomplir à travers ces vidéos ?
C’est d’abord une démarche personnelle, ça reste un journal, il y a une part introspective. Mais ça s’inscrit aussi dans une optique féministe.
J’estime qu’il est important de dé-médicaliser ces sujets et qu’en augmentant notre connaissance nous pourrons regagner du pouvoir sur nos corps et nos vies. On se moque souvent des forums du type doctissimo, mais c’est une communauté super intéressante, où le savoir se transmet et sur lesquels les femmes osent poser des questions. Etre une femme, produire un contenu, occuper de l’espace (même tout petit) sur Internet, ça ne me parait pas si anodin que ça non plus. J’espère que les vidéos ouvriront un dialogue entre les femmes, ou avec elles-même. J’espère que ça permettra de remettre en question certains préjugés ou de se dire « ah mais moi aussi, je suis pas seule ! ».
Oh, et j’espère que nous pourrons tous et toutes observer notre col de l’utérus !
Quelle relation entretiens-tu avec ton corps, avec tes règles ?
J’ai 28 ans, aujourd’hui je me sens à peu près bien. J’ai jamais trop souffert de complexes mais je ne me suis jamais complètement sentie à l’aise quand j’avais mes règles. Demander un tampon à ses collègues au boulot, avoir des relations sexuelles pendant les règles, avoir ses culottes tachées, ce sont des trucs anodins et pourtant il m’a fallu du temps pour que ça ne me pose pas de problèmes, non seulement de le faire mais aussi d’en parler.
En fait j’ai l’impression d’avoir perdu beaucoup de temps. J’aurais voulu avoir une coupe menstruelle à 15 ans, avoir exploré mon vagin avec mes doigts pour comprendre comment c’est fichu, avoir examiné le sang de mes règles, avoir compris pourquoi j’avais envie de mourir une fois par mois bien plus tôt. Une fois au lycée, je me suis évanouie de douleur j’avais même pas compris que c’était à cause des crampes utérines !
Quels sont les retours que tu as pour l’instant sur ton projet, et comment tu les gères ?
Je viens juste de commencer, et la diffusion n’a pas dépassée un cercle assez restreint. J’ai eu plusieurs encouragements de femmes (et d’hommes) qui trouvaient ça intéressants et courageux (je trouve que ça montre bien que c’est toujours tabou). Et puis quelques sceptiques évidemment.
J’appréhende un peu si la diffusion devenait plus large mais j’ai pas de problème avec ce que je fais, c’est réfléchi et si ça rend service à 5 personnes et que ça me fait plaisir à moi, c’est déjà ça de gagné.
Qu’espères-tu découvrir au cours de cette belle aventure ?
J’espère vraiment pouvoir échanger, permettre à des personnes qui le souhaitent de s’examiner, et apprendre à reconnaître les différents moments de mon cycle.
Que conseillerais-tu aux personnes qui sont un peu curieuses de leur anatomie et tout ce qu’elle implique mais qui sont encore un peu paralysées par les tabous, les interdits et les préjugés ?
Je conseille d’abord de pas se forcer, ça sert à rien d’essayer de s’examiner si tu appréhendes ou que ça te dégoûte un peu. Je pense que c’est pas mal de lire (ou regarder 😉 ) des personnes en parler, de regarder des photos, des vidéos, ça permet de dédramatiser le truc et aussi de se rendre compte de la diversion des corps et des vulves notamment.
Verrouillez la porte, fermez les rideaux, c’est votre corps vous avez le droit de faire ce que vous voulez avec, rien n’est dégoûtant, tout ça vous appartient.
Si le projet de Cluny Braun vous intéresse, vous pouvez le suivre sur son Tumblr via le tag journaldemachatte (💕).
Atomisons les tabous, pour le bien de tous-tes
D’ailleurs, si vous êtes effectivement curieux-ses et que ces initiatives vous intriguent, c’est effectivement une bonne idée de commencer par lire, regarder et écouter ce que font les autres, sans pour autant chercher à les rejoindre publiquement, mais au moins pour voir les choses un peu différemment. Parce qu’il y a des trucs qu’on partage plus facilement que d’autres mais que sur le sujet des règles et notre anatomie intimes, nous sommes bien souvent seul-e-s.
Briser peu à peu les tabous, établir des conversations plus saines, déculpabilisantes et décomplexantes, nous permettra de faire avancer les choses de façon plus concrète à l’avenir. Parce qu’on a besoin d’avoir une image un peu plus globale et fouillée d’un sujet avant de vraiment s’impliquer et que tant qu’on regardera les choses de loin en se mettant les mains sur les oreilles et en plissant les yeux, on avancera pas beaucoup.
Si l’idée de rendre vos règles publiques vous rebute, vous intimide ou ne vous intéresse tout simplement pas, il est évident que cet article et ces initiatives ne sont pas là pour vous pointer du doigt et vous reprocher votre pudeur. L’important, dans toute ces histoires de règles et de rapport au corps, c’est de laisser le choix, la liberté, aux autres de faire les choses différemment sans qu’ils soient traités comme des bêtes de foire.
Dans une bande de potes on a toujours un ou plusieurs individus qui aiment parler pipi-caca-prout et c’est pas pour autant qu’on est devenus comme eux ou qu’on les a complètement jetés de nos vies si c’est pas notre came. C’est pareil avec les règles. Vous aurez peut-être des potes qui auront envie d’en parler en détails, d’autres non. C’est pas pour autant qu’on viendra vous agiter notre tampon sous le nez, mais ce serait bien qu’on arrête de faire une grimace de dégoûtée dès qu’on aborde le sujet.
D’autant que là, on ne parle pas d’une nuisance, d’un truc qu’on veut faire juste parce que c’est marrant ou pour embêter les copains. On parle d’une libération, d’une appropriation de notre corps et de nos fluides, d’un poids dont on choisit de se débarrasser parce qu’on nous a forcé-e-s à garder le silence toute notre vie depuis des siècles et des siècles.
C’est aussi pour ça que le parallèle avec d’autre fluides et émissions m’agace : on ne vous a a priori jamais donné l’impression que votre corps était impur, indigne de confiance, sale et honteux parce que parfois vous avez le nez qui coule ou envie de péter. On ne vous enferme pas dans une hutte quand vous avez des troubles digestifs le temps que ça passe.
Donc soyez cool, laissez-nous parler de règles. Vous n’êtes pas obligé-e-s de tout écouter, mais tendez une oreille de temps en temps, vous pourriez peut-être apprendre deux-trois choses pas inintéressantes – et éventuellement arrêter de répandre interdits et préjugés, pour épargner les générations à venir.
J’aime bien l’idée du journal et des Tweets (d’ailleurs, je viens d’en faire deux à ce propos), mais ce serait quand même bien d’avoir un # dédié aux règles qui ne soit pas trop long et qui soit relatable (rho désolée pour l’anglicisme mais je trouve plus le mot en français… honte à moi!). Pour l’instant, j’ai utilisé #periodproblems, mais bon, c’est pas génialissime.
Si vous avez des idées, je suis preneuse!
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Mais enfin ! #passionmenstrues ! 😀
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Je trouve l’idée hyper drôle mais je n’en ferais pas partie haha. Pas que ce soit un complexe, mais je n’ai pas envie d’exposer au monde entier mes menstrues.
C’est génial de briser le tabou des règles, d’aider les jeunes filles à comprendre que ce n’est pas un drame, que tout ira bien etc. Mais j’ai peur que ça aille trop loin. Le « Journal de ma chatte » par exemple, me laisse un peu perplexe. Bientôt ça sera le « Journal de mon anus » et on parlera de nos selles quotidiennes ? Hahaha, je sais je vais trop loin mais j’ai pensé à ça directement (comment ça j’suis fan de l’humour pipi caca?). Je sais, chacun fait ce qu’il veut, si on veut pas écouter/regarder/lire on ne le fait pas.
Après, si toute cette démarche et celles qui suivront pourront amener un jour, à ce qu’on puisse parler des règles sans que les mecs nous regardent en faisant la grimace, à ce que les pays/religions qui les considèrent comme impures changent d’avis, là BINGO !
Je suivrais ça curieusement pour l’instant, peut-être qu’un jour je participerais à tout ce déballage mais pour le moment je me ferais discrète 🙂
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J’ai découvert le projet de ClunyBraun via Britney Fierce et je suis assidûment depuis début juillet du coup. Je trouve que globalement, parler de ces choses fait du bien, j’ai jamais été très pudique avec mon copain à ce sujet mais depuis que je ne prends plus la pilule et que mes règles arrivent quand elles veulent j’en parle beaucoup plus. Je lui ai d’ailleurs montré le journal de ma chatte parce que ses explications sur le spéculum sont super intéressantes et je pense que c’est bien pour un homme de savoir ce qu’il se passe chez le gynéco (et en général avec notre sexe, comme dans les vidéos que tu as partagées ici).
Celui d’aujourd’hui (soit le journal 4) m’a un peu désarçonné quand elle s’introduit le spéculum, j’ai hésité à la regarder honnêtement au début et puis la curiosité a été plus forte 🙂
Enfin bref, j’aime beaucoup son projet, j’espère qu’elle n’aura pas trop de mauvais retours parce que j’ai envie de voir plus ce genre de choses sur les internets !
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