Parlons menstrues avec… Eleonore Bridge

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Eleonore Bridge, 34 ans, auteure du blog Eleonore Bridge depuis dix ans, a abandonné son métier d’architecte d’intérieur il y a cinq ans pour se consacrer à son magazine d’inspiration en ligne sur le mariage Un Beau Jour qui est devenu sa petite entreprise. Chaque année, avec ses collaboratrices, elle organise un festival alternatif du mariage qui s’appelle Andy.

Et on la retrouve ici aujourd’hui pour parler d’un tout autre sujet puisqu’elle a accepté de répondre à mes petites questions concernant nos amies les menstrues.

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Comment as-tu appris l’existence et le fonctionnement des règles ?

Assez tôt je pense, il n’y avait pas du tout de tabou dans ma famille à ce sujet (et l’éducation sexuelle en général). Ma mère a dû m’en parler assez jeune et m’expliquer comment ça allait se passer. Ma grand-mère aussi, je crois. Mais je n’en ai pas de souvenir particulier. À part peut être la scène de la gifle dans Diabolo Menthe, j’ai eu peur de m’en prendre une le jour où ça arriverait.

Quand tu as eu tes règles pour la première fois, comment tes proches ont-ils réagi ?

Je les ai attendues longtemps, j’ai été formée hyper tard à 14 ans. Je n’avais qu’une trouille : que ma soeur qui a 3 ans de moins que moi et qui me dépassait déjà en taille les ait en premier, ça aurait été un affront terrible de la nature. J’étais en vacances au bord de la mer avec mon oncle et ma tante quand c’est arrivé. Au départ j’ai cru à une algue dans mon maillot de bain. Je m’attendais à des flots de sang, j’étais presque déçue devant ce petit caillot minuscule. Ma tante m’a dit « Et voilà le début des emmerdes ! » pour rigoler et on est allées acheter ce qu’il fallait. J’étais quand même super contente que ça arrive enfin.

Est-ce que l’arrivée de tes règles t’a fait changer de regard sur ton corps ?

Non pas vraiment, moi j’attendais surtout de voir si j’allais avoir des nichons ou pas, les règles ça n’a pas changé grand chose sur mon regard sur mon corps.

À quel moment as-tu compris que c’était tabou et comment ça t’a affectée personnellement ?

Je pense que ça devait être à l’école, parce qu’à la maison ce n’était pas du tout tabou. Je viens d’une famille de femmes (tantes, cousines, soeur) donc on en parlait sans problèmes même devant les hommes de la famille ou à table. Mais au collège j’ai vite compris qu’on n’en parlait pas comme ça. À vrai dire j’aimais bien, ça donnait un peu l’impression de connaître un secret de la vie seulement accessible aux femmes.

Aujourd’hui, comment vois-tu tes règles (par rapport à toi, ton rapport au corps, tes proches, ta vie sexuelle, la société, etc) ?

Je trouve ça un peu pénible : avant je suis assez irritable, ça peut me pourrir des journées entières, puis mes règles durent 6-7 jours (avec seulement 2-3 jours un peu plus abondants que les autres), et le premier jour je douille vraiment. Je trouve ça chiant, mais c’est naturel et le jour où je ne les aurais plus je sens qu’elles me manqueront ces petites connasses.

Je suis assez consciente que la société voudrait qu’on trouve ça un peu « sale et tabou » en général mais je m’en fiche, j’en ai toujours parlé librement et sans honte. Et gare à celui ou celle qui voudrait me culpabiliser avec ça.

Et physiquement, ça se passe comment ?

Mes règles ont d’abord été assez présentes dans ma vie avant de prendre la pilule car elles étaient très douloureuses. De 14 à 18 ans ça a été une torture, je me souviens avoir eu des sueurs froides, m’être évanouie ou avoir eu besoin de m’allonger subitement sur le sol parce que j’avais trop mal. Je me souviens des heures dans la baignoire à me concentrer sur la douleur qui quittait progressivement mon corps après avoir pris un ibuprofène.

Puis j’ai pris la pilule et la douleur s’est envolée, mes règles sont devenues régulières et n’ont plus été un problème. Pendant 10 ans mes règles ont été une formalité. Et puis un jour j’ai lu un article d’une fille qui parlait de SPM et bizarrement j’ai eu l’impression d’être privée de quelque chose et j’ai arrêté la pilule.

Ça fait 5 ans maintenant. Mes règles sont redevenues un peu douloureuses, et je me suis découvert une certaine irritabilité les 2 jours qui précèdent leur arrivée. Ça me gêne dans mon travail, je refuse de faire subir cette mauvaise humeur à mes employées, et généralement je reste travailler chez moi durant cette période.

Qu’est-ce que tu utilises comme protections hygiéniques et qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

J’ai l’impression d’être un ovni quand j’en parle mais je n’utilise quasiment pas de protections hygiéniques. J’ai un flux assez léger et je le retiens naturellement (je dois avoir un périnée hyper musclé, je sais pas), je vais souvent aux toilettes et si j’ai une fuite en général ça ne va pas bien loin (et puis je ne porte que des culottes noires quand j’ai mes règles). J’utilise juste des protèges slips assez fins et ça me suffit.

J’ai toujours eu horreur des tampons (ado j’étais de toutes façon incapable d’en mettre), j’en ai porté une fois et ça m’a énormément gênée toute la journée, je psychotais à l’idée qu’il reste coincé. Je trouve la sensation des serviettes hyper désagréable donc je n’en porte plus, même les plus fines.

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Ton choix de contraception a-t-il un rapport direct avec tes règles ? Si oui, pourquoi ?

Non pas du tout, sinon je serais toujours sous pilule rapport à la mauvaise humeur et aux douleurs. J’ai un stérilet, qui rend mon flux légèrement plus abondant qu’avant, mais pour rien au monde je ne veux reprendre des hormones.

As-tu des rapports sexuels pendant tes règles, et si non, pourquoi ?

Mes règles n’ont jamais freiné ma vie sexuelle (sauf quand j’ai mal au ventre), je fais juste plus attention à ne pas tacher mes draps !

Mais c’est peut être parce que j’ai une vie amoureuse un peu particulière : depuis mes 18 ans j’ai dû être célibataire seulement 6 mois, j’ai donc quasiment toujours été en couple.

Je n’ai jamais été avec un mec que les règles dérangeaient. Et c’est tant mieux car ça n’a jamais représenté un tabou pour moi. Je n’imposerais jamais ça si ça posait un problème, mais j’avoue, je trouve ça un peu pénibles ceux qui prennent des airs dégoûtés quand on parle de règles. Mon copain actuel s’en fout totalement, il m’a tout de suite fait comprendre que ça ne changeait absolument rien pour lui.

Au quotidien, est-ce que tu essayes de cacher tes règles au maximum (en utilisant des euphémismes pour en parler, en planquant tes tampons, etc par exemple) ou est-ce qu’au contraire tu en parles le plus librement possible ? Pourquoi ?

Ça dépend du contexte, mais en général j’en parle le plus librement et naturellement du monde. J’ai des boîtes de protège slip (ce nom est vraiment moche) dans mes toilettes que tout le monde peut voir, je m’en fiche totalement.

Je trouve ça important que tout le monde se détende avec ça, c’est naturel, ça n’a rien de sale, c’est la vie. Pour moi c’est un peu comme avoir le nez qui coule, c’est pas très joli mais c’est pas la fin du monde.

Après je comprends que certains aient un problème et que ce soit dur de changer d’idée quand on a été élevé comme ça : les garçons qui connaissent ça assez mal, les filles à qui on a appris que c’était sale mais il faut dédramatiser tout ça ça fait quand même complètement partie de la vie.

Quels changements tu aimerais voir à l’avenir dans les discussions qui tournent autour des règles, et plus globalement de l’utérus, du vagin, et de tout ce qui va avec ?

Que tout le monde arrête de prendre des airs dégoûtés déjà et qu’on ne juge pas les choix de chacun, chacun fait ce qu’il veut avec son corps pour se sentir bien.

Je me souviens avoir eu un débat surréaliste avec un mec qui avait jugé assez salement mon choix d’arrêter la pilule en disant que c’était égoïste pour mon mec. Ça m’avait rendue folle de rage.

Je tiens pour responsable la pilule d’avoir totalement anesthésié mon corps pendant 10 ans et tué ma libido. L’arrêter était une libération. Et bien malgré ça, il y en avait pour penser que c’était un choix égoïste et je trouve ça horrible. Je me dis qu’il y a plein de filles qui n’osent peut être pas changer à cause du jugement des autres, sauf quand elles invoquent un risque pour leur santé. Les scandales de pilule qui ont suivi ont pas mal changé les choses, mais je trouve ça triste qu’il faille en arriver à ça pour justifier son choix de contraception. Moi je l’ai fait pour me sentir mieux et cette seule raison devrait suffire pour tout le monde.

Qu’est-ce que tu aurais aimé qu’on te dise avant que tu aies tes règles (et lors des premiers cycles) ?

Rien de particulier, je crois que je savais à peu près tout, on avait des livres là dessus et ma mère nous en avait parlé sans tabous à ma soeur et moi.

Merci à Eleonore d’avoir bien voulu se prêter au jeu pour inaugurer cette nouvelle série d’interviews. Maintenant je n’ai plus qu’à me mettre en chasse pour trouver la prochaine victime. Si vous jugez que l’interview est trop courte et que vous aimeriez voir d’autres questions abordées, n’hésitez surtout pas à en suggérer !

6 réflexions sur “Parlons menstrues avec… Eleonore Bridge

  1. je la trouve parfaite cette interview, et j’attends les prochaines. (Mais cette histoire de quasi pas de protection hygiénique, waouh ! Ça existe bien alors, c’est pas un mythe !)

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  2. Hello Passion Menstrues, très chouette blog et très intéressant. J’ai une petite question sur une partie de l’interview, Eleonore dit : « un mec qui avait jugé assez salement mon choix d’arrêter la pilule en disant que c’était égoïste pour mon mec ». J’avoue que je comprends pas du tout l’argument. En quoi exactement le fait que tu changes de contraception (ce qui ne concerne que toi vu que c’est TON corps) peut-être « égoïste pour ton mec » ? Je comprends pas le raisonnement en fait, et pourtant quand je parle de mon choix (le même qu’Eleonore en fait, pour les mêmes raisons aussi (la pilule était une vraie camisole chimique pour ma libido)) j’entends de sacrées conneries mais celle-là vraiment c’est la première fois. Est-ce que Eleonore pourrait nous en dire plus en quelques lignes (pourquoi pas ici dans les commentaires) ? ça m’intéresse vraiment parce que ça éclaire pas mal les relations hommes-femmes d’aujourd’hui. Merci en tous cas Jack pour mettre à disposition sur ce blog des voix différentes 🙂

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    • Le type trouve ça égoïste « pour lui » parce que si elle arrête la pilule, c’est probablement que LUI devra faire l’effort de mettre un préservatif 🙂 Il y a certains jeunes garçons (et moins jeunes parfois) (et certains gynécologues! ahem!!) qui ignorent qu’il n’y a pas un contraceptif sur terre aujourd’hui ( = la pilule) mais une bonne dizaine et qui assimilent le fait qu’une femme qui dise qu’elle ne prenne pas la pilule n’ai alors aucun contraceptif, DONC qu’ils doivent, eux, mettre un préservatif.
      Je l’ai compris comme ça, pour avoir vécu exactement la même chose, et avoir comme Eleonore eu fortement envie de mettre des baffes au principal intéressé! ^^

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      • Ah ouais quand même. Merci pour l’éclairage, ça m’avais pas traversé l’esprit parcequ’effectivement et comme tu l’expliques je suis au courant de toutes les options de contraception qui existent, ce qui n’est pas le cas de toute la gente masculine (et j’ai tendance à l’oublier). Éduquons les garçons sur ce sujet c’est le meilleur pas en avant que l’on puisse faire j’ai l’impression.

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  3. Waow alors ça le coup du mec qui trouve égoïste l’arrêt de la pilule j’ai connu aussi, mais en sens inverse : une pression pour que je la prenne parce-que monsieur voulait se passer de préservatif! >__<' Hors de question!!
    Je ne pense pas être la seule malheureusement à avoir connu ça, pour en avoir discuté, et ça serait un sujet très intéressant que de regarder à quel point certains mecs (surtout à l'adolescence lors des premiers rapports ou de la première relation de couple) peuvent inciter leur copine à passer sous contraceptif ("prends la pilule, j'en ai marre des capotes"). ça va de demander une fois (ce qui est très bien si le couple discute de contraception, tant mieux, au contraire!) à insister lourdement pour faire pression sur la jeune fille puisque "de toute façon, c'est à elle de s'en occuper, les mecs ont pas de gynécologue" (c'est du vécu).

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  4. Je découvre ce blog grâce à une de mes lectrices, j’ai fait un article sur les règles la semaine dernière ! Je suis ravie de lire tous ces avis ouverts et décomplexés, ça fait du bien. J’ai 32 ans mais jusqu’à il y a peu j’avais encore beaucoup de lacunes et de tabous avec ça. Alors qu’il y a pas de quoi en faire un fromage !!! merci pour cette chouette interview d’Eleonore que j’aime beaucoup.

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