Après une petite pause, retour à ma petite série d’interviews sur le thème de l’endométriose afin de donner la parole aux personnes qui en souffrent et de permettre aux autres de mieux comprendre de quoi il s’agit et tout ce que ça implique au quotidien.
Cette fois c’est Luce, 27 ans, qui partage son expérience.
Lorsqu’on te demande d’expliquer ce qu’est l’endométriose, en quels mots le fais-tu ?
J’ai deux versions. Une version courte (« une saloperie fourbe qui me pourrit le quotidien et m’épuise ») et une version longue.
Selon mon/ma interlocuteur/interlocutrice et ses connaissances, je reprends depuis le début. J’explique rapidement ce qu’est l’endomètre et ce qui se passe lorsqu’une personne est atteinte d’endométriose.
Pour décrire les endométriomes (les kystes endométriosiques de l’ovaire, ndlr), j’utilise souvent l’image de pièges à retardement qui se déclenchent au moment de l’ovulation et des règles et infligent une douleur insupportable sur la durée.
Quand et comment as-tu été diagnostiqué-e ?
J’ai été diagnostiquée en septembre dernier par ma gynécologue lorsque je lui ai parlé de mes symptômes (douleurs aiguës à l’approche des règles et douleurs/saignements lors de rapports) survenus à partir de mai/juin, soupçonnant déjà de mon côté une endométriose. Elle m’a fait une échographie, qui a révélé un kyste et ce qui semblaient être des lésions au niveau de ma trompe gauche.
À savoir qu’elle fait une échographie à chaque consultation (tous les ans/six mois environ donc) et que donc, même si je ne lui avais pas parlé de mes douleurs, elle aurait repéré le kyste.
Elle m’a ensuite envoyée faire des prises de sang pour écarter d’autres pistes et une IRM pour avoir une confirmation, mais sans me dire ce qu’elle soupçonnait. En ne me disant rien pour ne pas m’inquiéter, elle a produit l’effet inverse. J’ai pas pu m’empêcher de psychoter un peu et de me poser des questions jusqu’à ce que je vienne lui présenter mes résultats d’IRM.
Avec le recul, j’aurais dû lui faire part de mes inquiétudes dès cette consultation, en disant que je pensais avoir une endométriose. J’ai la chance d’avoir une gynécologue en qui j’ai pleinement confiance et qui est très compétente (elle a notamment accepté sans problème de me poser un stérilet alors que je suis nullipare) et pédagogue. Je n’ai juste pas voulu apparaître comme la fille complètement parano qui consulte plein de témoignages sur Internet et en tire des conclusions hâtives.
Un conseil donc : n’hésitez vraiment pas à poser toutes les questions qui vous viennent et à exprimer vos doutes à votre médecin. On s’en fout d’avoir l’air ridicule.
Quels sont les symptômes à surveiller ?
Les symptômes sont très divers selon les personnes atteintes. Je dirais essentiellement les douleurs à l’approche / pendant / juste après les règles et/ou à la période d’ovulation. Il faut se poser des questions également si vous avez mal lors de vos rapports.
Comment ça se manifeste chez toi au quotidien et que fais-tu pour le supporter ?
Dans mon cas, ça a commencé par des douleurs extrêmement aiguës à l’estomac (j’avais l’impression d’avoir un bébé alien qui s’apprêtait à me déchiqueter le ventre) et des douleurs dans le bas du dos à l’approche des règles ou quelques jours après selon les mois.
Ces douleurs n’ont fait qu’augmenter au fil des mois (début des symptômes vers le mois de mai) pour devenir quotidiennes dans le cas des douleurs au niveau du bas du dos qui m’empêchaient de marcher très longtemps. J’ai également eu pas mal symptômes de cystites à répétition qui n’en étaient pas lorsqu’on faisait les tests. En fait, c’était le kyste qui appuyait et qui était la cause de tout ça.
Moins handicapant dans mon cas, des douleurs et quelques saignements lors des rapports.
Pour les supporter, j’utilise le combo anti-inflammatoire (Antadys) et bouillotte. Jusqu’à ce qu’on prescrive un traitement hormonal, j’étais obligée de prendre 3 comprimés d’Antadys tous les jours pour arriver à me déplacer sans trop de difficultés et je limitais au maximum mes déplacements.
Quel impacts a cette maladie sur ta vie professionnelle (ou ton parcours scolaire) ?
J’ai la chance d’avoir la possibilité de télétravailler et d’avoir un environnement de travail assez flexible. L’impact sur ma vie professionnelle a donc été relativement minime.
Et sur ta vie privée (sociale, amoureuse, potentielle maternité, etc) ?
Sur ma vie privée, c’est différent. J’ai concentré toute mon énergie pour être efficace dans mon boulot. J’ai énormément limité mes activités : exit balades et voyages de peur de refaire une crise et aussi parce que j’étais trop fatiguée pour les faire. Idem pour le sport que je n’ai pas repris.
J’ai encore beaucoup de mal à me projeter pour l’instant ne sachant pas comment tout ça va évoluer, alors je préfère faire une pause sur le plan social et sentimental. Je me concentre sur les amis qui comprennent que je peux annuler à la dernière minute et qui ne m’en voudront pas.
Comment as-tu été traité-e par le personnel médical par rapport à tout ça ?
Très bien. Ma gynécologue connaît très bien la maladie et m’a recommandée à un collègue chirurgien spécialiste du sujet. Ils ont été tous le deux très à l’écoute et compréhensifs. Idem pour tout le personnel médical à qui j’ai eu affaire lors de mon opération.
Et par ton entourage proche ?
Ceux qui sont au courant (globalement tout le monde, je suis assez ouverte sur le sujet) compatissent et s’inquiètent pour moi, même si une partie de ma famille est surtout concentrée sur la partie infertilité potentielle que peut provoquer la maladie.
Si je n’y suis pas insensible, ça m’agace un peu que ça prenne plus de place que les douleurs quotidiennes. Ce n’est pas vraiment de leur faute, j’ai tendance à ne pas trop parler des douleurs quotidiennes et à essayer de le cacher, car je ne veux pas qu’on me plaigne.
Aujourd’hui, maintenant qu’on commence à parler un peu plus souvent de l’endométriose, arrives-tu à faire comprendre ce qui t’arrive à ton entourage ?
Les articles et les témoignages aident.
Ça produit aussi un effet inverse un peu indésirable qui est que beaucoup se sentent obligés de m’envoyer des articles sur la maladie, alors que globalement, j’ai déjà beaucoup lu dessus et que je n’ai pas forcément envie de lire des témoignages de personnes chez qui c’est bien pire que moi, parce que ça m’angoisse plus qu’autre chose.
Je ne cherche pas forcément à ce que mon entourage comprenne ce que je ressens. Je souhaite simplement qu’ils aient conscience que la maladie existe, que ça change un peu les choses pour moi, mais qu’ils se comportent normalement avec moi.
Peut-on vraiment guérir de l’endométriose ?
De ce que les médecins disent, non. J’espère qu’on trouvera quelque chose à terme, mais en attendant, il faudra continuer à être suivie.
Quels sont les recours possibles pour pallier les douleurs et le handicap qu’elles génèrent (médicaments, traitements divers, médecines alternatives…) ?
Dans mon cas, les anti-inflammatoires fonctionnaient pas trop mal (Antadys tous les jours), même si j’étais fatiguée.
Pour d’autres femmes, un traitement hormonal progestatif (pilule ou stérilet en continu) fonctionne très bien aussi. L’idée, c’est de couper l’ovulation et les règles. On a essayé une pilule avec moi et ça n’a pas du tout fonctionné comme prévu : saignements pendant 3 mois, douleurs réduites mais toujours présentes et grosse fatigue. Un enfer…
Pour préparer mon opération, on m’a prescrit une injection de Decapeptyl qui provoque une ménopause artificielle pendant 3 mois et pour le coup, c’est très efficace sur les douleurs. J’ai eu l’impression de revivre et les effets secondaires chez moi que j’arrive à peu près à gérer : quelques bouffées de chaleur, sommeil un peu plus court (j’ai tendance à me réveiller à 5h du matin) et des petites phases de dépression.
C’est loin d’être idéal, mais je dois dire que j’en n’en pouvais tellement plus des douleurs que les effets secondaires me semblent plus vivables.
Et maintenant, j’attends la suite et les résultats de l’opération sous cœlioscopie qui a consisté à m’enlever le kyste d’endométriome près de mon ovaire et brûler les lésions d’endométriomes. J’ai très bien vécu l’opération et ça s’est passé sans encombre. Je ne peux pas encore me prononcer sur les effets comme l’opération est encore très récente (je suis encore en convalescence) et le traitement hormonal encore actif.
Je ne sais pas s’il y a un lien, mais j’essaie également de faire plus attention à mon alimentation et il me semble que ça aide pas mal (moins de gras, rien de trop difficile à digérer et pas trop d’alcool).
Penses-tu qu’on devrait automatiquement procéder au dépistage chez toutes les personnes réglées qui se plaignent de douleurs aiguës ?
Les témoignages de personnes touchées plus gravement que moi (stade avancé et infertilité) me fait dire oui. La détection ne me semble pas très contraignante (échographie et IRM) dans la plupart des cas, mais j’ai lu des témoignages où d’autres interventions étaient nécessaires.
Enfin, quels conseils donnerais-tu aux personnes qui en souffrent ?
D’en parler à son entourage, à ses médecins et d’essayer de prendre beaucoup de recul par rapport à tous les témoignages que vous pouvez lire. Ils sont intéressants, mais il faut se dire que ce n’est pas parce que ça arrive à certains personnes que ça va vous arriver. La maladie prend tellement de formes différentes.
Ne pas désespérer surtout. Je pense que le moral influe énormément.
Et à celles qui n’en souffrent pas ?
Soyez là pour vos proches qui en souffrent, renseignez vous sur la maladie et parlez en autour de vous pour sensibiliser un maximum de gens.
Quelles ressources physiques ou virtuelles souhaiteriez-vous que je mette en exergue pour que les lecteurs puissent aller plus loin dans leur envie d’apprendre ou de s’impliquer ?
À mon avis, il faut continuer à banaliser les règles et que ça cesse d’être un sujet tabou / gênant. Répéter que ce n’est pas normal d’avoir mal et conseiller aux personnes concernées d’aller voir leur médecin pour vérifier que tout est normal.
Mais aussi, vraiment sensibiliser les gens sur le sujet de la gynécologie en général (globalement, les témoignages que j’ai pu lire montrent souvent des médecins qui n’ont pas su écouter leurs patientes ou qui étaient à la limite de la maltraitance) et leur donner les éléments leur permettant de choisir leur médecin.
Le site de Martin Winkler est un incontournable pour moi dans ce domaine.
Ce qui est dingue, c’est qu’une de mes nombreuses gynécos m’a soutenu mordicus que mes douleurs pendant l’ovulation n’avait rien à voir avec l’endométriose et que ça excluait même ce diagnostic de fait. 2 mois plus tard mon diagnostic était posé, mais jusqu’à la lecture de cet article je pensais encore que les douleurs pendant l’ovulation c’était lié à autre chose. Rah putain…
J’ai changé de gynéco entre temps quand même.
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