Parlons menstrues avec… Sophie Riche

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© Miquette

Sophie Riche a 27 ans et écrit pour des sites que vous lisez très probablement, tels que BuzzFeed et madmoiZelle. Mais non-contente de partir à la conquête du monde avec sa plume, elle s’est également mise aux vidéos (que vous pouvez retrouver sur sa chaîne YouTube où elle distille de bons conseils pour être mieux dans sa vie et dans son corps) et se considère comme une « aspirante comédienne ». Autant vous dire que vous n’avez pas encore fini d’entendre parler d’elle.

Et aujourd’hui, elle a accepté de se prêter au jeu de « Parlons menstrues…«  en répondant à toutes mes questions les plus indiscrètes sur ses règles et le rapport qu’elle entretient avec elles.

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Comment as-tu appris l’existence et le fonctionnement des règles ?

Je n’ai pas un souvenir très précis de la façon dont j’ai appris l’existence des règles. Soit ma mère m’en a parlé en premier, soit j’ai posé des questions à mes parents après avoir vu des épisodes de séries pour pré-ados (j’en regardais toute la journée) qui évoquaient le sujet comme je le faisais avec mille choses. En tout cas, je sais que je connaissais l’existence des règles mais que je n’en savais pas plus que ça. Faut dire aussi que j’ai eu les miennes à 10 ans et demi, et qu’on n’avait pas tellement eu le temps d’aborder le sujet en long en large et en travers avec la famille. Alors quand j’ai vu que mon slip était taché d’un liquide brunâtre, j’ai mis quelques secondes à comprendre de quoi il s’agissait.

Quand tu as eu tes règles, comment tes proches ont-ils réagi ?

Déjà, il y a eu une sorte de soulagement de ma mère d’être présente, parce que comme par hasard, on déjeunait toutes les deux à la maison ce jour-là (ça arrivait rarement, parce que ma maman prenait rarement de pauses le midi et que c’était mes grands-parents qui me gardaient quand j’étais pas à l’école). Du coup, on a pu en discuter, elle a pu me rassurer, m’expliquer un peu plus en détail ce qui arrivait à ma shneck… Être présente, quoi ! C’était déjà pas un chouette moment (j’avais les jambes qui tremblaient un peu et j’avais l’impression de porter une couche quand j’ai essayé ma première serviette hygiénique), et c’était quand même franchement rassurant d’avoir ma mère à mes côtés.

Tout le monde dans la famille a très bien réagi, même si je sais que ça leur a fait tout drôle d’avoir la preuve que l’unique petite-fille de la tribu était bel et bien en train de grandir. Tout le monde m’a dit en substance « oh lala c’est chouette mais ça fait tout drôle » avec un grand sourire et on est passés à autre chose, ce qui m’a permis de ne pas voir les menstrues comme un gros truc flippant, mais plutôt comme quelque chose de léger.

Est-ce que l’arrivée de tes règles t’a fait changer de regard sur ton corps ?

Pas tellement. Pas tellement parce que mon corps avait déjà largement commencé à changer, avec l’arrivée des seins, la taille qui se creuse, les hanches qui s’élargissent, l’acné, les premiers poils… Le vrai bouleversement à ce niveau, je l’avais depuis plusieurs mois. Alors les règles, non, ça n’a pas tellement changé mon regard sur moi. Ça me faisait marrer de me regarder dans la glace et de me dire « Ça y est, t’es une femme maintenant », mais je le pensais pas tellement, je savais que j’étais encore une petite-fille en route vers la pré-adolescence. J’aimais juste bien me dire des phrases cliché, parfois.

À quel moment as-tu compris que c’était tabou et comment ça t’a affectée personnellement ?

Je me sens tellement privilégiée, en fait ! J’ai appris sur le tard, que c’était tabou. C’est vrai que, bon, le jour où j’ai eu mes règles, quand je suis retournée à l’école après ma découverte dans le slip et que, à la fois pleine de trouille et d’une sorte de sentiment bizarre de fierté, je l’ai dit à deux copines, j’étais pas mal dégoûtée de savoir qu’elles l’avaient raconté à plein de monde. Mais je le vis pas, même avec le recul, comme la preuve que j’avais intériorisé les règles comme un tabou, un sujet à taire. Je le vois plus comme une façon de vouloir garder un peu confidentiels les trucs auxquels je me suis pas encore habituée.

Oh attends, si, y a un truc qui me revient ! J’étais en colonie de vacances, en 2001, j’avais 12 ans et mon flux n’était pas hyper régulier. On a eu une activité planche à voile, après laquelle mon bas de maillot de bain était légèrement mouillé. J’avais mis par dessus mon jogging Sergio Tacchini, un bleu clair un peu irisé (mon préféré) et… Et j’ai eu mes règles. Du coup l’humidité a diffusé largement mon sang menstruel sur l’étendue de mes fesses et je ne me suis rendue compte de rien, jusqu’à ce qu’en chemin pour les douches, j’entende un rire, puis deux, puis des centaines : c’était ceux des pré-adolescents présents sur le centre de loisirs qui se refilaient l’info. Plusieurs ont crié « ELLE A SES RÈGLES », et le coeur battant, j’ai attendu d’être cachée dans la douche pour vérifier qu’il s’agissait bien de moi. Là, bon, je pouvais difficilement avoir plus la preuve que les règles pouvaient être une excuse pour se foutre de la gueule de quelqu’un.

Au collège, j’ai vu que les gens réagissaient plutôt mal aux blagues ou informations random sur les règles et j’ai compris que ça dégoûtait des gens. Comme les blagues sur le caca en fait. Je mettais ces deux tabous au même niveau. Alors aujourd’hui, voir le dégoût des gens, maintenant, grâce à Internet ou en discutant sur le sujet avec des personnes qui trouvent ça monstrueux ça me fait bizarre, genre « ah bon ? ». Je vis avec depuis mes dix ans et demi. Les règles, ça fait partie de ma routine. Entendre des gens pour qui c’est tabou, ça me fait le même effet que si on me disait « Ah mais arrête de cligner des yeux ça me dégoûte ». Mais je me penche vraiment sur le sujet, parce que je ne veux pas nier qu’il y a un problème ; j’ai juste la chance incroyable de ne pas être affectée par ce problème.

Aujourd’hui, comment vois-tu tes règles (par rapport à toi, ton rapport au corps, tes proches, ta vie sexuelle, la société, etc) ?

Comme un tout petit truc un tout petit peu chiant qui, parfois, bousille mes culottes claires. Je préfère quand je ne les ai pas (parce que je n’ai pas du tout à penser à mettre une protection et que j’ai moins de chance d’être ballonnée), elles ne sont pas mes meilleures copines, mais je les tolère largement. Ça n’a pas toujours été aussi cool : il y a quelques temps, ça me gonflait VRAIMENT d’avoir mes règles, sans raison apparente, simplement, ça me faisait chier. Globalement, depuis quelques mois, j’essaie vraiment d’être dans une démarche positive, vis-à-vis de presque tout, alors ça marche aussi pour mes règles : une fois que j’ai arrêté de râler dessus, je me suis rendue compte que franchement, c’est pas la mer à boire.

Et physiquement, ça se passe comment ? 

Depuis que j’ai changé de pilule ça ne modifie plus du tout mon humeur*, et je n’ai jamais eu de grosses douleurs (une petite gêne, parfois, quand je ne prenais pas la pilule, mais vraiment trois fois rien et même pas tous les mois). Ça m’agace toujours de prendre un peu de bide à ce moment là du mois, c’est vrai, mais c’est tout. Jamais, que ce soit quand je travaillais à Auchan, ou chez madmoiZelle, ou sur les quelques tournages que j’ai fait, je n’ai été gênée ou embêtée d’avoir mes règles. Tant qu’il y a une poubelle dans les toilettes, je suis détendue.

*ou maintenant que j’y pense, depuis que j’ai arrêté d’être persuadée que mes règles pouvaient changer mon humeur, peut-être ? Non parce que, je sais que c’est le cas pour plein de gens, mais j’ai vraiment l’impression que moi, finalement, pas tellement. Que d’une certaine façon, comme ça rendait bougon plein de monde, j’étais conditionnée à moi aussi l’être sans être pour autant concernée.

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© Miquette

Qu’est-ce que tu utilises comme protections hygiéniques et qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Je suis restée à la coupe menstruelle (motivée par Marion Seclin quand elle a eu l’idée de faire la vidéo) pendant un an et demi et ça me convenait parfaitement, mais j’ai dû revenir aux serviettes hygiéniques depuis plusieurs mois pour des minimes raisons de santé shneckienne. À regret : je préférais largement avoir une cup qu’avoir cette sensation de baigner dans mon jus que me procurent les serviettes hygiéniques. Par chance, j’ai un petit flux, alors mises à part quelques heures par mois où je dois vraiment en porter, je peux me contenter de protèges-slips tout fins qui suffisent à récupérer mes pertes.

J’ai envisagé les serviettes hygiéniques lavables, mais j’ai un rapport trop anarchique avec mon lave-linge pour ça.

Ton choix de contraception a-t- il un rapport direct avec tes règles ? Si oui, pourquoi ?

Du tout. J’étais jeune quand j’ai choisi de prendre la pilule, c’était l’option de facilité pour moi, on me disait que ça avait tendance à calmer l’acné et j’ai dit banco et même si j’envisage tous les six mois de passer à un moyen de contraception sans hormones, je n’ai pas encore franchi le pas.

As-tu des rapports sexuels pendant tes règles, et si non, pourquoi ? 

Oui, avec une serviette de bain dans le coin pour ne pas souiller les draps. Ça n’a pas toujours été le cas, j’ai eu des partenaires qui n’étaient pas à l’aise avec l’idée (ce que je ne jugeais en aucun cas), et à d’autres moments, je n’étais moi-même pas à l’aise avec l’idée. Mais c’est de l’histoire ancienne et l’homme avec qui je vis n’a aucun souci avec les règles, et comme c’est la personne avec qui je suis la plus à l’aise dans le monde, je n’ai aucun souci à avoir mes règles avec lui.

Au quotidien, est-ce que tu essayes de cacher tes règles au maximum (en utilisant des euphémismes pour en parler, en planquant tes tampons, etc par exemple) ou est-ce qu’au contraire tu en parles le plus librement possible ? Pourquoi ?

Clairement, j’en parle très librement. Le seul truc que je cache, ce sont mes protections hygiéniques sales, bien emballées et mises à la poubelle, mais je me vois mal les accrocher au mur de toute façon car j’ai une façon très classique d’envisager la décoration d’intérieur.

Quels changements tu aimerais voir à l’avenir dans les discussions qui tournent autour des règles, et plus globalement de l’utérus, du vagin, et de tout ce qui va avec ?

J’aimerais trop que les gens qui trouvent ça dégueu arrêtent de trouver ça dégueu, même si j’ai la chance d’être entourée de personnes qui voient ça comme quelque chose de très naturel. Mais pour l’instant je suis encore en phase où j’essaie de comprendre comment on peut trouver ça dégueu, alors je suis une bien mauvaise professeure parce que je n’ai, de ce fait, pas encore trouvé les bons arguments à leur soumettre.

Qu’est-ce que tu aurais aimé qu’on te dise avant que tu aies tes règles (et lors des premiers cycles) ?

« Tu verras, c’est trois fois rien. Par contre, évite peut-être de mettre ton jogging bleu clair pendant les vacances d’été 2001. »

Pour vous tenir au courant de l’actu de Sophie Riche, vous pouvez aller faire un tour sur sa page Facebook ou son compte Twitter

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Une réflexion sur “Parlons menstrues avec… Sophie Riche

  1. J’aime ce blog d’amour, j’ai sauté de joie en voyant le nouvel article !
    Merci Jack et Sophie pour ce témoignage ! Le coup du jogging tâché mais ❤ j'ai eu la même en cours d'histoire, SAUF que j'ai aussi tâché la chaise. Ambiance.
    Et big up à toi Sophie qui m'a fait découvrir la cup grâce à ta très bonne vidéo que je lance généreusement sur mes copines quand elles me disent "MAIS C'EST DÉGUEU", généralement ça finit par "ah ouais. et ça se trouve où ?" 😀
    Cœur sur vous ❤

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