Anushka Dasgupta est une jeune indienne qui a décidé d’assumer sa fuite mais aussi de la rendre publique pour faire passer un message important.
© Anselm Kiefer
La fuite, c’est le pire cauchemar de toutes les personnes réglées.
Même après des années de pratique, on arrive toujours à s’imaginer le pire. On imagine l’humiliation, le dégoût des autres, le fait de devoir traverser la ville avec un pantalon ou une jupe tachée de sang, sans pull ni manteau pour la dissimuler – bref, l’horreur.
Et puis il y a les fois où ça arrive vraiment. Si comme moi vous avez déjà vécu ce moment atroce, horrible, douloureux et terriblement humiliant, levez la main. Alors ok, je vous vois pas, mais je visualise, et ça me fout des frissons dans le dos.
Mais si pour vous ça a été un cauchemar, il y en a d’autres qui ont choisi une approche différente, et qui ont choisi d’assumer ce petit accident de parcours.
C’est le cas d’Anushka Dasgupta, une jeune calcuttienne qui a posté la photo suivante sur Instagram pour raconter sa petite mésaventure et remettre deux-trois pendules à l’heure.
Elle raconte :
« Je suis rentrée à la maison aujourd’hui à 21h04 après une longue promenade, un trajet en métro et un voyage en bus de dix minutes.
Il n’y a rien d’exceptionnel là-dedans si ce n’est le fait que de nombreuses femmes m’ont approchée sur mon chemin et m’ont demandé de baisser mon t-shirt, que beaucoup d’hommes m’ont reluquée, alors que les enfants ne me prêtaient aucune attention. J’ai enfin compris ce qui me valait toute cette attention lorsqu’une femme (pétrie de bonnes intentions, j’en suis sûre) m’a tendu une serviette hygiénique. J’avais taché mon pantalon.
Je me suis donc retrouvée là, bien après 20 heures, seule au milieu de l’Esplanade (un quartier de Calcutta, ndlr) avec une énorme tache sur les fesses et un petit point rouge presque artistique sous ma braguette. »
Mais plutôt que de céder à la tentation de la honte, plutôt que de rougir de cette expérience et de se cacher, d’admettre que c’était honteux et horrible et traumatisant, Anushka a décidé d’assumer et d’en profiter pour faire passer un message très clair sur les règles :
« Ce post est pour toutes les femmes qui ont proposé de m’aider à cacher ma féminité : JE N’AI PAS HONTE. Je saigne tous les 28 à 35 jours, parfois ça fait mal, parfois ça me met de mauvaise humeur, mais je vais dans la cuisine me chercher des biscuits au chocolat et c’est reparti pour huit heures, quoi qu’il advienne, parce que JE N’AI PAS HONTE.
Ce post est pour tous les hommes qui m’ont regardée de travers aujourd’hui : JE N’AI PAS HONTE. Regardez cette grosse tache rouge sur mon pantalon tant que vous voulez, regardez mes fesses, regardez comme je bouge, essayez de me toucher si vous l’osez, et je vous montrerai que JE N’AI PAS HONTE. Je sortirai ma serviette hygiénique pour vous montrer comment ça fonctionne et vous pourrez m’apprendre à pisser en public (parce que vous n’en avez clairement pas honte, et moi non plus).
À tous les enfants qui n’en avaient rien à carrer : N’AYEZ PAS HONTE. Il y aura beaucoup de taches de sang sur vos pantalons, vos jupes, vos draps, vos housses de coussins, sur des chaises, des tables, contre le mur et sur le champ de bataille où VOUS combattez le tabou en N’AYANT PAS HONTE. Ne chuchotez pas quand vous parlez de « règles », ne proposez pas subtilement une serviette hygiénique à une femme, ou des vêtements propres. DEMANDEZ-LUI si elle en a besoin, DITES-LUI qu’elle a taché ses vêtements, NE L’AIDEZ PAS À LES CACHER.
JE N’AI PAS HONTE.
JE N’AI PAS *mes règles.
J’AI MES RÈGLES. »
Rappelons qu’en Inde, le tabou est encore plus fort qu’en Europe, où on s’en sort finalement pas si mal. Du coup, d’un point de vue occidental, une telle prise de parole peut paraître extrême, notamment par rapport à notre petit confort hygiéniste qui veut qu’on cache toute tache et tout fluide, peu importe son origine. Mais c’est une initiative qui mérite d’être saluée dans son contexte, et encouragée, parce qu’un même combat ne se joue pas à tous les niveaux selon le champ de bataille où il se déroule.
Bravo !
J’adore.
Et moi aussi j’ai mes règles et JE N’AI PAS HONTE.
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Moi aussi j’ai mes règles et j’ai honte
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