Pline L’Ancien : « Une femme qui a ses règles fait aigrir le vin doux par son approche »

Petite page d’Histoire avec un récapitulatif des croyances de Pline l’Ancien concernant les menstruations et leur pouvoir destructeur.

 

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Pline l’Ancien, grand écrivain et naturaliste romain du Ier siècle, a longtemps été une référence en matière de sciences naturelles, psychologie, astronomie et d’autres petits domaines d’envergure similaire. Mais il a aussi dit pas mal de conneries, comme tous les grands de son époque (et celles qui ont suivi), parce que si l’être humain avait tout compris sur tout du premier coup, ça se saurait. Et on aurait p’tet nos voitures volantes depuis un moment, du coup.

Concernant les menstruations, il leur conférait un pouvoir absolument ahurissant, qu’on aurait même tendance à jalouser aujourd’hui qu’on sait qu’en fait ça nous file juste des crampes et une chiasse de tous les diables. Ainsi, dans le livre sept de l’Histoire Naturelle (qui compte trente-sept volumes en tout), on peut lire ceci :

Mais difficilement trouvera-t-on rien qui soit aussi malfaisant que le sang menstruel. Une femme qui a ses règles fait aigrir le vin doux par son approche, en les touchant frappe de stérilité les céréales, de mort les greffes, brûle les plants des jardins ; les fruits de l’arbre contre lequel elle s’est assise tombent ; son regard ternit le poli des miroirs, attaque l’acier et l’éclat de l’ivoire ; les abeilles meurent dans leurs ruches ; la rouille s’empare aussitôt de l’airain et du fer, et une odeur fétide s’en exhale ; les chiens qui goûtent de ce sang deviennent enragés, et leur morsure inocule un poison que rien ne peut guérir.

D’un autre côté, Tonton Pli-Pli avait des opinions assez tranchées en ce qui concerne les pouvoirs incroyables du corps de la femme, et ça ne s’arrêtait pas aux règles. Sachez par exemple qu’on peut faire un tas de trucs rien qu’en se cramant les cheveux :

Les remèdes qu’on dit tirés du corps de la femme approchent des plus étonnants prodiges: et nous ne parlons pas ici des enfants nés avant terme, coupés par morceaux pour de criminelles pratiques, ni des horreurs du sang menstruel, ni de tant d’autres recettes révélées non seulement par les sages-femmes, mais encore par les courtisanes elles-mêmes. On dit que l’odeur des cheveux de femme brûlés fait fuir les serpents; que la même odeur dissipe les suffocation hystériques: que la cendre, s’ils ont été brûlés dans un vase de terre ou avec de l’écume d’argent (litharge), guérit les granulations et le prurigo des yeux; avec du miel, les ulcères des enfants et les verrues; avec du miel et de l’encens, les plaies de tête et tous les clapiers des ulcères; avec de la graisse de porc, les tumeurs et la goutte; qu’en topique elle arrête l’érysipèle, l’hémorragie et les fourmillements.

Il en va de même pour le lait maternel qu’on peut utiliser pour tout un tas de trucs et qui est particulièrement efficace lorsqu’il est versé directement dans l’oeil du patient.

Mais si le bon Pline a bien conscience des croyances qui existaient à son époque concernant les bienfaits du sang menstruel, ça ne l’empêche pas de le désigner toujours par la même expression : « cette substance malfaisante » 💕.

Bythus de Dyrrachium prétend que les miroirs ternis (VII, 13) par l’aspect de femmes ayant leurs règles redeviennent brillants si ces mêmes femmes regardent ces miroirs par derrière; et que toute mauvaise influence des menstrues est détruite si les femmes ont sur elles le poisson appelé surmulet. D’un autre côte, beaucoup de gens attribuent des vertus médicinales à une substance aussi malfaisante, assurant qu’on en fait un topique pour la goutte, et que les femmes en cet état adoucissent les écrouelles, les parotides, les tumeurs, les érysipèles, les furoncles, les fluxions des yeux. D’après Laïs et Salpé, la morsure des chiens enragés et les fièvres tierces et quartes sont guéries avec de la laine de bélier noir imbibée de sang menstruel, et renfermée dans un bracelet d’argent;

Mais revenons-en à nos menstrues. Saviez-vous qu’on pouvait avorter en passant au-dessus d’un petit tas de sang de règles brûlé ? Eh ben ouais, c’est aussi simple que ça.

Le feu même, qui triomphe de tout, ne peut triompher du sang menstruel : ce sang incinéré, si on en saupoudre les étoffes à laver, altère en effet la pourpre, et ternit l’éclat des couleurs. Cette substance malfaisante n’épargne même pas le sexe qui en est la source : elle provoque l’avortement chez une femme enceinte qu’on en frotte, ou qui seulement passe par-dessus.

Finalement, qui a besoin du planning familial quand on peut aller cramer les règles des copines pour faire le taff, hmm ?

Désolée Plinou, mais si les règles conféraient un tel pouvoir à celles et ceux qui les ont, le monde aurait une autre gueule aujourd’hui, et j’en connais trois-quatre (milliards) qui rigoleraient vachement moins. Imaginez l’armée qu’on aurait pu monter, aidé-e-s par des meutes de chiens enragés à la morsure mortelle, détruisant tout sur notre passage, faisant rouiller les épées des ennemis par la force de nos menstrues. Vous croyez vraiment que le patriarcat aurait pu survivre si on avait eu ce genre de pouvoir ?

Finalement, c’est presque dommage que tout ça ne relève que du fantasme et que ces croyances n’aient été utilisées que pour écraser un peu plus les femmes et confirmer leur « impureté ».

– Le titre de la rubrique, « Menstruosité », m’a été soufflé par la talentueuse Marion Seclin, maîtresse des internets, des bons plans et des bons mots.

11 réflexions sur “Pline L’Ancien : « Une femme qui a ses règles fait aigrir le vin doux par son approche »

  1. L’obscurantisme menstruel. C’est intéressant de voir à quel point la femme était diabolisée à l’époque … Suppôt de Satan que nous sommes, j’aurais bien aimé nous y voir, avec une armée de chiens enragés ouais. On aurait au moins eu le mérite de donner du sens à Twilight … Ou pas.

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  2. l’oeuvre de Pline l’ancien est une encyclopédie basée sur les écrits de 500 auteurs distribués sur deux mille livres. Or il se trouve que beaucoup de ces écrits ne sont que pure fabulation de leur auteurs. Pline n’ayant jamais mis en doute leur sérieux, il n’a donc jamais vérifié le moindre fait. on peut donc lire -ce que maintenant on sait être- des aberration du type :

    « Mégasthène (…) dit qu’aux extrémités de l’Inde, du côté de l’Orient, vers la source du Gange, est la nation des Astomes, sans bouche, le corps entier couvert de poil, laquelle s’habille avec le duvet des feuilles (VI, 20), et ne vit que de la respiration et des odeurs aspirées par les narines ; qu’ils ne prennent aucun aliment solide, aucune boisson : qu’ils se contentent des odeurs variées de racines, de fleurs, de pommes sauvages, qu’ils portent avec eux dans les excursions un peu éloignées, pour avoir de quoi flairer ; qu’une odeur un peu forte les tue sans difficulté. »

    Le coté dramatique de l’histoire est que ses écrit ont été pris au pied de la lettre jusque bien après le moyen age car la quantité d’écrit était telle que personne ne mettait en doute la qualité.

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  3. Je suis certain que d’autres propriétaires de blog Web devraient prendre ce blog pour idéal, parce que son look incroyablement propre et la publication est véritablement super, convivial et abondant. si vous etes un expert dans cette rubrique !

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  4. […] Ou encore Pline l’Ancien qui en fait la cause de tout, de la disparition des abeilles à la rouille des armes. « Mais difficilement trouvera-t-on rien qui soit aussi malfaisant que le sang menstruel. Une femme qui a ses règles fait aigrir le vin doux par son approche, en les touchant frappe de stérilité les céréales, de mort les greffes, brûle les plants des jardins ; (etc.) » Passion Menstrues […]

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